Union Académique Internationale
Philologia Coranica
Retour aux projetsProjet nº81, adopté en 2011
Depuis le XIXe siècle, les recherches sur l’histoire du texte coranique ont fait abondamment usage des informations conservées par la tradition musulmane, mais n’ont pas accordé d’importance particulière à la tradition manuscrite ancienne. Or nous disposons d’un nombre appréciable de copies plus ou moins complètes du Coran qui pourraient être postérieures de moins d’un demi-siècle à la disparition de Muhammad (m. en 632 è.c.), selon des datations reposant sur la paléographie ou d’après les résultats de l’analyse du C14 du parchemin de certaines d’entre elles. Cette documentation est d’une importance particulière pour l’histoire ancienne du texte coranique et plus largement celle des débuts de l’islam. Ce n’est qu’à partir des années 80 que notre connaissance des plus anciens manuscrits du Coran a considérablement progressé et que les chercheurs ont pris conscience de leur potentiel pour cerner plus précisément l’état ancien du texte. L’accès à ce matériel est cependant malaisé, en raison tout d’abord des particularités de l’écriture de cette époque, mais aussi à cause de la dispersion très fréquente des feuillets qui faisaient initialement partie d’un même manuscrit.
La publication de facsimilés des plus anciens manuscrits du Coran répond au besoin de disposer aisément de cette documentation afin de permettre aux recherches de se développer. Deux facsimilés avaient déjà été publiés en 1998 et 2001 par François Déroche et Sergio Noja Noseda dans le cadre du Projet Amari. Ils ont servi de point de départ à la série Manuscripta de la collection Documenta Coranica qui est publiée sous le patronage de l’Union Académique Internationale.
Il était difficile de donner des contours chronologiques rigoureux à cette entreprise dans la mesure où la datation des plus anciens manuscrits coraniques — dont aucun colophon n’a été retrouvé à cette date — est encore discutée. En revanche, un critère paléographique s’est imposé comme fil conducteur : l’écriture ḥijāzī est commune aux différents manuscrits qui seront publiés dans la série, ce qui laisse penser qu’ils ont été produits avant la chute de la dynastie omeyyade en 750 è.c.
Comme cela a été signalé, l’un des problèmes auxquels doivent faire face les chercheurs travaillant sur ce matériel est la dispersion des feuillets provenant d’un même manuscrit. Cette situation est la conséquence de l’histoire des dépôts dans lesquels ces copies du Coran ont longtemps été placées. Afin de pouvoir mettre cette documentation à la disposition du public de manière satisfaisante, il a été décidé de publier ensemble les feuillets ou fragments connus d’un même manuscrit, indépendamment de leur lieu actuel de conservation et en suivant sauf indication contraire la séquence du texte de la vulgate uthmanienne. En conséquence de ce remembrement, il est attribué à chaque manuscrit un nom qui fait référence à son origine : Amrensis pour ceux qui proviennent de Fustat, Damascensis pour ceux de Damas, etc.
Le premier volume de la série Manuscripta, publié en 2018, est ainsi consacré au Codex Amrensis 1 ; il a été publié par Eléonore Cellard avec le concours de Sabrina Cimiotti et réunit des images de feuillets conservés à Londres, Paris, Saint-Pétersbourg et d’autres vendus à Rennes en 2011. Il offre la reproduction intégrale et en couleur du manuscrit avec la translittération du texte en regard et des informations codicologiques et paléographiques succinctes. Cette formule sera reprise dans les volumes ultérieurs de la série.
La série des Manuscripta est complétée par celle des Studia, destinée à recevoir des études portant sur ces mêmes manuscrits et plus généralement sur l’état du texte au cours de la période ancienne. On espère en particulier y accueillir des travaux recensant les variations orthographiques et textuelles, et analysant plus généralement l’histoire du texte. La question cruciale de la datation de ces manuscrits pourrait également faire l’objet d’une synthèse qui utiliserait toutes les ressources de la paléographie, de la codicologie et, le cas échéant, de l’histoire de l’art, ou encore celles des analyses physico-chimiques, en particulier le radiocarbone 14, qui se sont multipliées au cours des dernières années.
Les résultats attendus de la collection des Documenta Coranica sont nombreux et tout d’abord une vision plus claire du matériel et un accès plus facile à ce dernier. La publication parallèle des citations coraniques dans les documents datés les plus anciens (papyrus, inscriptions lapidaires, monnaies, objets, décors, tissus, etc.) viendra compléter le corpus des manuscrits en vue d’une édition scientifique du texte coranique. Cet ensemble permettra en effet de disposer d’un ensemble unique de témoignages textuels directs, mais aussi de nouveaux éléments sur l’histoire du Coran, son orthographe et son découpage. Enfin, la collection permettra de proposer une nouvelle esquisse de l’histoire de l’écriture et du livre dans les premiers temps de l’Islam (mise en page, matériaux utilisés, etc.).